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L'inéluctable retour

Tu es le loup et tu le vois, l'être qui louvoie
Il te protège par des lois qu’il ne respecte pas
Tu le tutoie et lui te tue
Mais tu reviens in situ

La brebis de Dieu se fait parfois pâtre
L’ovin prime sur toi
Et la prime aux dégâts n’y change pas
O vain combat ?

Il est servile, des campagnes ou des villes
Tu est cervier, de la toundra, des steppes ou des bois
Il ne veut des grands prédateurs, pourtant
Ce n’est qu’une question d’heures, de temps

Et tout redeviendra
Et tout sera… Naturellement.

A la découverte de quelques naturalistes

Ernest Thompson Seton

Nul n’ignore l’existence des plus célèbres naturalistes, de leurs pensées, leurs philosophie. De Aristote à Hainard, en passant par Pline, Buffon, Darwin, Fabre, Cousteau…
Tous ont contribués à leur époque et à leur manière à la connaissance de la nature, et parmi eux certains sont allé plus loin en défendant la vie sauvage. Mais il en est d’autres tombés dans l’anonymat, du moins chez nous, en occident.
C’est en entrant presque par hasard dans une boutique de bande dessinée que j’ai découvert l’un d’eux, personnage hors du commun. J’aimerai vous le présenter, car je crois, peut-être à tord, que comme moi il y a peu, vous êtes nombreux à ignorer son œuvre et même son nom.

Connaissez vous Ernest Thompson Seton ?
Né en Angleterre en 1860, décédé au Nouveau Mexique en 1946, il voua sa vie durant, un amour immodéré envers la nature.
Naturaliste, artiste animalier et écrivain, il étudie la faune sauvage et dénonce l’anthropocentrisme. Son premier essai : « les mammifères du Manitoba », explique quel impact le développement du Canada a eu sur la faune et la flore. En 1892 il expose au salon de Paris un tableau intitulé « le triomphe des Loups », qui suscite de vives réactions ; en dessinant un loup sauvage qui mort le crâne d’un homme, Seton voulait dénoncer la violence des hommes qui attaquent la nature, mais pour le doyen du salon ce message était trop radical, et il aurait argumenté : « dessiner des hommes, pourvus d’une âme, victimes d’animaux sauvages qui en sont, eux, dépourvus, est une hérésie ». En 1902, Seton fonde un camp pour jeune garçon, nommé « Woodcraft Indians » et participe ainsi à diffuser des valeurs naturalistes auprès des jeunes générations en s’appuyant sur la culture des peuples indiens d’Amériques. Il publie des récits sur la vie dans la nature, forge avec d’autres (Lord Baden-Powell) la philosophie du scoutisme.

Connaissez vous Yoshiharu Imaizumi et Jiro Taniguchi ?
Tous deux nés au Japon, respectivement en 1940 et 1947.
Imaizumi est naturaliste et écrivain.
Taniguchi est mangaka (dessinateur de manga) de renommé mondiale et scénariste.
Ensemble ils créent des mangas (BD japonaise) retraçant la vie d’Ernest Thompson Seton, le naturaliste qui voyage.

Les mangas ne sont pas toujours bien vus en occident car on assimile ce terme à un graphisme particulier et même au sexe et à la violence, ce n’est pas toujours vrai. La série de mangas d’Imaizumi et Taniguchi consacrée au naturaliste Seton n’est rien d’autre qu’une biographie en bande dessinée. Biographie partielle et peut-être quelque peu édulcorée mais dans l’ensemble, averti.

La vie et l’œuvre de Seton, empreintes de respect et d’attachement à la vie sauvage reçoivent un écho très favorable dans la culture nipponne. Le naturaliste incarne pour les japonais tout ce qui les fascine dans le rapport de l’homme à la nature : une humilité respectueuse et une crainte admirative. La vie et l’œuvre de Seton ont fait énormément d’émules au Japon.

Désormais, quelques mangas d’Imaizumi et Taniguchi sont publiés en France et nous permettent enfin de découvrir l’œuvre et surtout la réflexion d’Ernest Thompson Seton.

A ma connaissance il en existe quatre traduit en Français, dans la pure tradition manga (en noir et blanc et lecture de droite à gauche), tous de très belle facture, passionnants et documentés d’un point de vue historique et naturaliste.
Edition Kana (Dargaud-Lombard s.a) 1060 Bruxelles.

Le premier livre s’intitule : « Lobo, le roi des loups ». 1893, un loup et sa meute ravage la vallée de Currumpaw au Nouveau-Mexique. Ce wilderness que traversaient des troupeaux de Bisons fut morcelé par les éleveurs qui y installèrent leurs vaches. Les Bisons disparus, les loups s’en prennent aux troupeaux domestiques. Les éleveurs décident alors de tuer Lobo, mais ce dernier déjoue tous leurs pièges et les hommes doivent faire appel à Ernest Thompson Seton pour les délivrer « du roi des Loups ». Seton affronte Lobo, puis comprend, trop tard, qu’il aurait du s’allier a lui.
50 ans après, le Loup gris a disparu de 48 états d’Amérique du nord, classé nuisible, chassé, avec prime à l’appuie.

Le second : « Le jeune garçon et le Lynx ». 1875, c’est l’histoire de Seton adolescent, qui rencontre le naturaliste William Brody, découvre la forêt vierge et le Lynx. La femelle Lynx doit nourrir ses petits, mais une épidémie a décimé les lapins et les autres proies sont rares. La faim pousse le Lynx à s’approcher des habitations humaines, avec les risques que cela comporte.
Vivre en compagnie des animaux sauvages, c’est ainsi que Seton apprit le « Woodcraft » (connaissances et techniques pour vivre dans la forêt). Il développa un mode de pensée sur la vie en forêt et entama sa quête de naturaliste, porté par un grand idéal.

Le troisième : « Sandhill Stag ». 1882, Seton à 22 ans et découvre des traces de cerfs dans un coin où ils étaient sensé avoir disparu. Il y fait connaissance avec un indien et apprend beaucoup sur la nature et sur lui même. C’est à cette période de sa vie qu’il décide de devenir naturaliste (bien qu’il le soit déjà depuis fort longtemps). Sandhill Stag est le nom du grand cerf de cette histoire. Seton : « Nous sommes frères, ô grand cerf bondissant !».
Dessiner la nature telle qu’elle est, la raconter en histoires, devenir le naturaliste qui voyage, c’était sa voie à lui.

Le quatrième : « Monarch, l’ours du Mont Tallac ». 1887, Seton écoute le récit de deux chasseurs de Grizzly : Leurs traques dans la chaîne des montagnes de la Sierra Nevada en Californie.
Aller au contact de la vie sauvage change un homme. Quand vanité et haine se transforme en humilité et amour, mais à quel prix !

Lire les aventures de Seton c’est aussi lire les pistes et apprendre les mœurs du sauvage, s’émerveiller des formidables ressources animales et se convaincre (si cela était nécessaire) que nous devons nous poser encore plus en garant de la naturalité.
C’est également découvrir par ses lectures et ses rencontres des hommes dont la vie était en causalité avec la nature : Henry Thoreau, Ralph Emerson, ou Joseph Wolf par exemple.

«… Les grands naturalistes étaient tous des chercheurs qui avaient pris leur indépendance, et je pense que c’est pour cela qu’ils ont pu garder leur liberté de penser… Sentant le danger menaçant les espèces animales, ils se sont opposés à notre société. C’est bien pour cela que Thoreau a voulu montrer l’exemple qu’on pouvait vivre autrement. » - extrait de « Sandhill Stag », livre 3.

Enfin, lire les aventures de Seton c’est éveiller le naturaliste qui somnole en chacun de nous et l’inciter à aller voir par lui même, car bien sur, rien ne remplace le terrain et l’expérience personnelle.

Certes on peut toujours préférer un livre, essai ou biographie à une bande dessinée, mais en l’occurrence les mangas de Imaizumi et Taniguchi semblent dans l’immédiat les seuls à nous parler de Seton et ont l’avantage de pouvoir intéresser un large public. Je les ai lu, mon fils de 9 ans les lit aussi et découvre ainsi la pensée naturaliste dans tout ce qu’elle a de plus saine.

Henri David Thoreau (1817-1862), Ernest Thompson Seton (1860-1946), Robert Hainard (1906-1999) nous ont montré une trace, suivons la, elle devrait mener loin.